Tout d'abord, les
classiques, les avantages qui ne sont plus à prouver et auxquels,
par conséquent, nous ferons un sort dans cette seule première
rubrique : le prix des loyers, de l'essence luxembourgeoise et du
chocolat belge, la dimension internationale du lieu, et l'on
pourrait presque dire la citadelle, même si ce n'est pas à
proprement un avantage matériel (vous vous souviendrez néanmoins
de ses fossés en cherchant un terrain de footing dans les environs;
vous en aurez vite fait le tour, mais je doute qu'avoir salué les
chèvres et des remparts de trois-cents trente-quatre ans vous
laisse l'impression d'avoir perdu votre temps).
L'eau fraîche au
robinet. A Paris, vous vous lamentez peut-être du calcaire qui
souille votre verre à brosse à dents; phobiques à juste titre,
vous passez l'eau au filtre d'une carafe spécialisée; vous confiez
à vos cocktails des glaçons parfois plus gros que des icebergs, en
exagérant à peine – mais la quantité d'eau dans les cocktails
affaiblit quelque peu cet argument- toujours est-il qu'à Longwy,
versez dans votre eau un mince filet de grenadine, ou de sirop
biologique du commerce équitable sans gluten au fruit de la
passion, et vous voilà à Miami, en train d'écouter les Beach Boys
sous un parasol en simili paille comme sur les cartes postales. La
fraîcheur de notre eau est légendaire.
La qualité de
l'électroménager. Allez savoir pourquoi, les radiateurs ici sont
d'une efficacité redoutable; n'allez pas trop vite en tournant la
manivelle, vous pourriez avoir une mauvaise surprise analogue à
celle qu'ont ceux qui sous-estiment la puissance de leur
grille-pain; car oui, pour le dire en un mot, ces radiateurs
seraient presque une raison de vous faire apprécier la fraîcheur
du robinet, voire, vous faire réclamer des douches froides à la
pomme que vous agitez au-dessus de votre tête le matin. Ce n'est
pas sans nostalgie que j'ai une pensée pour toi, petit radiateur à
la chaudière au gaz bruyante de mon appartement de Montpellier.
L'entraînement aux
conditions climatiques extrêmes. Il paraît que c'est encore
l'automne. Bon. Tout à l'heure, au supermarché, j'ai entendu
quelqu'un qui parlait de canicule, en comparaison des jours à
venir. En attendant, vous avez intérêt à bien vous entendre avec
vos gants, bonnet, écharpe, manteau, ainsi qu'avec le vent, le
froid qui congèlerait vos poumons si vous osiez respirer de manière
un peu trop gourmande, le brouillard, tout blanc, que vous traversez
à l'aveugle comme dans les films de guerre et les dessins animés
sur le pôle Nord. C'est dans l'obstacle, la difficulté,
l'adversité, même, que la vertu, le courage grandissent; c'est
peut-être ce qui donne aux Lorrains ce caractère un peu renfermé
au premier abord, mais en réalité fiable et déterminé.
La place dans le
frigo. Eh oui, il est certain que les premiers jours de votre
emménagement (futur) à Longwy, vous n'aurez pas forcément de
réfrigérateur à portée de main, n'ayant pas encore obtenu tout
ce qu'il fallait pour étoffer votre home, sweet home
longovicien. N'ayez crainte : le rebord de la fenêtre, que je vous
souhaite large, nombreux et bien exposé, saura accueillir les
quelques denrées qui en auraient besoin, ou qui n'auraient pas
trouvé place dans un garde-manger déjà bien approvisionné. Mais
gare ! Car une fois quelques mois passés, la saison a changé, et
voilà votre nourriture mise dans l'équivalent naturel du
congélateur.
La
chaleur naturelle. Que de froid, me direz-vous, dans ces premiers
avantages. Oui, c'est vrai, mais vous vous réchaufferez en montant
la grimpette, chaque matin, en semaine pour aller au travail, et le
week-end pour le plaisir, pendant votre footing, aussi vrai qu'il
est difficile de s'en lasser. Bien sûr, à vos premières courses,
vous ferez une pause au milieu, vous la finirez en marchant; puis,
très vite, après quelques semaines d'entraînement, vos cuisses ne
verront plus la différence entre montée et descente, ou presque.
Cet avantage est l'apanage des bas-longoviciens, auxquels je me
flatte d'appartenir.
Le
temps disponible. A Montpellier, Paris ou Duisbourg, vous vous êtes
sans doute inscrit à une salle de fitness à laquelle vous n'allez
pas tous les week-ends; certes, vous irez bientôt, le mois
prochain, pour vous rattraper, et faire toutes vos séances en
retard d'un coup, parce que là vraiment, vous étiez débordé et
que... bon... fatigué quoi... A Longwy, en dehors du cinéma, peu
de distractions. Plus d'excuses, et surtout, plus besoin d'excuse :
la salle de fitness occupe votre solitude et comble votre besoin de
mouvement. Voilà une occupation saine et profitable à Longwy. Cela
n'a pas un rapport direct, mais je comprends mieux maintenant
pourquoi le champion du monde d'haltérophilie a été plusieurs
fois un Albanais.
Le
calme. Vous ne savez pas encore si vous avez la voc' (oui, je parle
de la vocation monastique) ? Un stage à Longwy vous aidera
peut-être à mener à bien votre discernement. Longwy est une
retraite, un pays calme où les gens restent ou ne passent pas du
tout; nulle autoroute, nul hub,
point d'essais nucléaires ni, pire, de soirées étudiantes ou de
voisins aigris. Le calme coule au robinet, par les portes, dans les
rues, sur les places. Certains disent un peu vite “ville morte”;
certes, les usines ne chantent plus, les hauts-fourneaux se sont
tus, mais pourquoi ne pas apprécier un peu ce calme, pourtant si
rare à l'époque ultramoderne et technologique où nous vivons,
véritable ère de pollution sonore s'il en fut ? N'oublions pas que
ce calme est synonyme de lecture et de sieste.
Le
trésor caché. Puisque les gens de France ne sont que peu au
courant des avantages de la cité des émaux, ils n'ont pas l'audace
de demander le lycée de notre ville sur leurs fiches de mutations
académiques de l'Education Nationale : ils se ruent sur les lycées
de centre-ville pour enseigner aux élèves de la bourgeoisie
provinciale aux yeux que prépas et grandes écoles font déjà
briller. Ils n'ont pas compris qu'en arrivant dans un lycée moins
convoité, ils auraient pu avoir plus facilement les élèves
charmants d'excellentes classes, qu'ils auraient mis quelques années
et quelques points à obtenir dans un établissement plus
prestigieux de Nancy ou de Metz. (Par avance, pardon pour le côté
technique et un peu happy few
de ce paragraphe.
Le
dépaysement. Le plus grand avantage, sans doute, ou en tout cas le
plus profond, de notre belle cité lorraine. C'est d'abord, quand
vous y arrivez, un décentrement spirituel : la vie ici est à un
autre rythme, et surtout une autre époque. Les vieux bâtiments
vous rappellent que les années 30 ne sont pas si loin (moins loin
qu'à Lyon ou à Marseille), et vous sentez la densité d'un passé
métallurgiste dans l'architecture comme dans les souvenirs des
quelques témoins avec qui vous avez eu la chance de discuter.
Ensuite, quand vous rentrez à Paris (si cela vous arrive, de temps
en temps), vous voyez tout d'un autre oeil : vous vous rendez
soudainement compte qu'il y a du monde dans les rues, que les
bâtiments sont nombreux et même grands, vous comprenez tout à
coup les touristes japonais ou brésiliens; vous appréciez encore
plus Montpellier, vous trouvez les villes de province grandes et
animées. Pour ma part, ce ne serait pas mentir que de dire que je dois à Longwy
d'avoir rafraîchi mon regard sur notre beau pays, pour ne pas
parler du reste du monde, qui semble valoir aussi le détour.
C'est très gentil le regard que vous portez sur Longwy et ses élèves.
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